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Comment créer une variété de tomate

de piment, d’aubergine ou de petit pois...

Créer une variété consiste à fixer des traits souhaités à travers des croisements successifs, puis à sélectionner pendant plusieurs années jusqu’à obtenir une reproduction stable et homogène. Ce processus demande du temps et de la patience. Voici comment procéder avec des moyens simples et accessibles.

L’idée de créer une variété est assez enthousiasmante. À force d’en cultiver et d’en reproduire, l’envie vient naturellement de faire LA variété au top : celle qui est délicieuse, magnifique, productive, et surtout bien adaptée à notre terroir et à notre climat.

Alors on en a rêvé : elle serait une cœur de bœuf... non, une énorme ronde ! Oui, mais sur une grande plante, pas comme les plants decœur de bœuf qui sont tout frêles. Oui ! Mais il faudrait qu’elle soit précoce, car souvent ces grosses tomates sont tardives. Oui, précoce, mais il faut pouvoir la cultiver en plein champ, sinon c’est dommage... Enfin, des idées, il y en a !

Alors on a cherché à comprendre comment il faut faire, et puis comment "ils" font. C’est qui "ils" ? Les gros semenciers qui font de l’hydroponie ou les paysans des montagnes du Mexique ? Visiblement, la méthode est la même, mais les moyens diffèrent. Les paysans ont fait ça de manière empirique, guidés par leurs appréciations, par les croisements qui se sont produits au hasard des pollinisateurs, par leurs jugements de goût, etc. Et puis il y a les gros semenciers qui ont étudié la génétique, les lois de Mendel, et qui ont de gros moyens.

Nous, on a regardé chez un peu tout le monde et on a essayé de vous résumer ça pour que, si vous avez envie de tenter l’aventure, vous trouviez ici une base de départ.

Ces méthodes sont des explications pour créer une variété de tomate (c’est pratique car la tomate est autogame? ou presque), mais cette méthode est valable pour toutes les autres plantes autogames que vous pourriez cultiver au jardin : les poivrons, les piments, les aubergines, les haricots, les pois, les laitues, ou même certaines fleurs comme les pois de senteur, les capucines ou les œillets d’Inde.

Définir vos critères de sélection

Avant de commencer à faire des croisements, définissez précisément l’objectif recherché. Il ne faut pas essayer simplement de faire "une bonne tomate", mais il faut définir des caractéristiques précises.

Critères morphologiques (ce qui se voit)

  1. Taille : petite (moins de 100g), moyenne (150-250g), grosse (300g+)
  2. Forme : ronde, ovale, poire, cœur, plate
  3. Couleur : uniforme (rouge, blanc, jaune) ou multicolore (rayures, striée)

Critères gustatifs

  1. Sucre : on peut le faire à l’ancienne en goûtant les fruits mais c’est pas hyper précis, l’idéal est de trouver un petit réfractomètre pour calculer le taux de sucres (minimum 5-6° pour un bon fruit, 7-8° pour l’excellence)
  2. Acidité : piquante ou douce
  3. Texture : croquante, juteuse ou dense

    Critères de culture

  1. Nombre de fruits par plant
  2. Précocité (délai avant le premier fruit)
  3. Résistance au fendillement, aux maladies
  4. Port de la plante (déterminé, indéterminé, semi-déterminé, nain)

Méthode 1 : Création dirigée (la voie recommandée)

C’est l’approche la plus efficace quand on sait ce qu’on veut obtenir. Par exemple, je veux obtenir une grosse tomate blanche striée.

Plants de départ :

  1. Souche A : grosse tomate blanche (300-400g), chair blanche, saveur douce
  2. Souche B : petite tomate rouge avec stries jaunes (100g), rayures nettes

Objectif : grosse tomate blanche avec stries rouges (250-300g), bien sucrée

  • Année 1 - Le croisement : Pollinisation contrôlée A × B sur 20-30 fleurs. Récolte des fruits F1.
  • Année 2 - Première génération (F1) : Culture de 20-30 plants F1. Les fruits seront décevants : tomates moyennes (200g), coloris rose-blanc-crème, saveur intermédiaire. C’est normal, on n’en est qu’au début. Laisser les plants s’autoféconder naturellement et récolter les graines.
  • Année 3 - La loterie génétique (F2) : C’est l’étape la plus importante. Culture de 100-150 plants F2 minimum. La diversité explose :
  1. Certains plants ressemblent à la souche A (gros, blancs, unis)
  2. D’autres à la souche B (petits, striés, rouges)
  3. Quelques-uns ont la bonne combinaison (gros + blancs + légères stries) ← c’est ceux-là qu’on cherche
  4. Beaucoup d’intermédiaires variés

Observer chaque plant, goûter les fruits, noter les tailles. Marquer les plants qui correspondent. Ne récolter que les graines des 10-15 meilleurs plants. Arracher les autres. Pourquoi autant de plants ? Plus on en cultive, plus on a de chances de trouver la bonne combinaison. Avec 50 plants, on risque de rater le bon. Avec 150, on l’aura probablement.

  • Année 4 - Affinage (F3) : Culture de 80 plants issus de la sélection F2. Les résultats sont plus homogènes. On voit la tendance se confirmer : gros blancs striés. Répéter la sélection en gardant uniquement les meilleurs.
  • Années 5-6 - Stabilisation (F4-F5) : À partir de la 4ème-5ème génération, 80-90% des fruits correspondent à l’objectif. Après F6, la variété est reproductible à 90-95% : c’est bon, elle est stabilisée.

Durée totale : 5-7 ans

Une règle d’or : un critère à la fois

  • Année 3 (F2) : sélectionner sur UN SEUL trait. Par exemple, ne garder que les gros, éliminer les petits et c’est tout. Pas de couleur, pas de saveur à ce stade. Juste "gros ou pas gros". On peut éliminer 80% des plants.

Pourquoi ? Si on essaie de sélectionner "gros ET blanc ET sucré" dès l’année 3, on élimine trop de plants et on perd la diversité génétique.

  • Année 4 (F3) : ajouter un 2ème critère : "Gros ET blancs". Éliminer les petits (déjà fait) ET les colorés.
  • Année 5 (F4) : affiner avec un 3ème critère : "Gros ET blancs ET sucrés". Mesurer ou goûter. Garder uniquement les plants bien sucrés.
  • Année 6+ : critères secondaires : "Gros ET blancs ET sucrés ET résistants". Observer la résistance aux maladies. Éliminer les fragiles.

    Méthode 2 : Création aléatoire (le pari curieux)

Cette approche consiste à croiser des variétés sans objectif précis, juste pour découvrir ce qui en sort. Plus amusante, plus longue, plus surprenante.

Principe : croiser 2, 3 ou 4 variétés ensemble pour voir ce qui apparaît. Par exemple : tomate noire × tomate jaune × tomate blanche

  1. F1 : résultats intermédiaires (bruns, orange foncé, rose complexe)
  2. F2 : explosion de diversité (rayures inattendues, couleurs jamais vues, formes étranges)

Culture de 200-300 plants F2 (il faut avoir un peu de place !). Observer chaque plant. Parfois on trouve un trésor inattendu : "Celle-là elle est noire brillante, énorme et douce - c’est incroyable !" On la garde, c’est la nouvelle variété.

Avantages :

  1. Créativité totale
  2. Découvertes surprenantes
  3. Aspect ludique

Inconvénients :

  1. Très long (8-12 ans avant stabilisation)
  2. Résultats totalement aléatoires
  3. Beaucoup de générations décevantes avant la réussite
  4. Durée : 8-12 ans

Combien de plants cultiver ?

Étape Année 1 Année 2 Année 3 Année 4+
Création dirigée (2 parents) 3-5 plants 20-30 F1 100-150 F2 50-80 F3
Création aléatoire 5-8 plants 50+ F1 200-300 F2 100-150 F3
Croisements multiples (3-5 variétés) 10-15 plants 80-100 F1 200-400 F2 100-200 F3

Plus on cultive de plants, meilleures sont les chances de trouver la combinaison recherchée. Mais aussi plus de travail.

Conseils pratiques

  1. Documenter : c’est essentiel de tenir un carnet simple. "Année 3 : croisement A × B, 30 fleurs, 28 fruits". Utile pour se souvenir après plusieurs années.
  2. Photographier : prendre des photos des plants remarquables. Au bout de 5-7 ans, la mémoire flanche.
  3. Goûter : noter dans un carnet les appréciations des dégustations : déguster régulièrement les fruits, c’est aussi important que les mesures.
  4. Cultiver large : prévoir un peu plus de plants que nécessaire (gel, maladies, accidents).
  5. Échanger : partager quelques graines avec d’autres jardiniers pour avoir des retours.
  6. Conserver : garder des graines de chaque génération. Si la génération suivante déçoit, on peut revenir en arrière.

    Comment font les professionnels ?

Les instituts de recherche et les gros semenciers utilisent la même génétique de départ, mais ils utilisent des moyens différents et là nous parlons de la création de variétés fixées, pas la création d’hybrides F1 (ça c’est encore un autre processus) :

  1. Culture de 1000 à 5000 plants par génération (contre 30-150 en approche paysanne) dans d’immenses serres régulées en température, en hygrométrie, en apport en nutriments, etc.
  2. Utilisation d’instruments de mesure précis (réfractomètre, pH-mètre, spectromètre) et des tests en laboratoire
  3. Sélection extrêmement stricte : seulement 1% des plants conservés (contre 20-30% en mode paysan)
  4. Documentation exhaustive et informatisée
  5. Des salariés !

Le résultat c’est des variétés ultra-homogènes, parfaitement prévisibles, stabilisées en 4-5 ans, mais ça demande un investissement très important en personnel et équipement.

Cette approche professionnelle est plus rapide mais nécessite des moyens énormes. L’approche paysanne prend plus de temps (6-12 ans) mais reste accessible avec peu de moyens. En réalité, une variété paysanne créée lentement s’avère souvent plus robuste qu’une variété professionnelle, car elle est sélectionnée dans les conditions réelles du terrain et non en conditions contrôlées. Les mécanismes génétiques restent identiques dans les deux cas, seules l’échelle et la vitesse diffèrent.

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