Les plantes bio-indicatrices

La vie secrète du sol

Le sol, tel que nous le connaissons, est bien plus qu’un simple substrat. C’est un ensemble vivant, un écosystème complexe qui varie selon une multitude de paramètres. Il peut être sableux, humide, humifère, limoneux, et bien d’autres choses encore, mais il est toujours en transition, en perpétuel changement, évoluant, se dégradant ou s’améliorant. Sans intervention humaine, le sol ferait tout pour accueillir des arbres ! Mais comment cela se passe-t-il ? Du caillou à la forêt, comment se déroule cette métamorphose ?

Une histoire de transformation

Au début, imaginons un sol caillouteux. Le lichen s’installe doucement, et les cailloux se teintent de vert. Ensuite, quelques mousses prennent racine, profitant de l’humidité emprisonnée par les lichens. Plus tard, lorsque la mousse s’est bien développée et que de petits insectes y ont élu domicile, une ou deux fougères commencent à s’incruster. Tout ce petit monde vit et meurt, créant ainsi un substrat qui pourra accueillir des plantes peu exigeantes en matière organique, comme la canche, une plante qui colonise des milieux très pauvres. Cette plante va se multiplier et finira par attirer un oiseau qui déposera une petite fiente au passage, un apport azoté précieux qui permettra aux premières graminées de s’implanter.

Cette graminée attirera à son tour un petit rongeur qui se délectera de son feuillage et qui, comme l’oiseau auparavant, laissera un précieux colis rempli de graines, celles qui résistent au suc gastrique. Il s’est passé beaucoup de temps pour que les graminées s’installent. Sous leurs racines, il y a des générations de lichens, de mousses et d’autres fougères. À leur tour, les graminées passeront les saisons, attirant insectes et animaux, vivant et mourant pendant de longues années avant que puissent s’installer d’autres plantes plus grandes qui pourront se nourrir du peu d’humus, et ainsi de suite jusqu’à l’arrivée des ronces, des rosiers sauvages, des prunelliers...

Et dans cet enchevêtrement fantastique, les gros animaux ne peuvent plus pénétrer tant la végétation est dense. Là, dans cette verdure impénétrable, se trouve une pépinière, un lieu où la terre est devenue riche et profonde, et où les glands, les faines, les graines d’arbres peuvent germer sans risquer de se faire brouter. C’est le début de la forêt ; ensuite, les arbres grandiront jusqu’à devenir une véritable forêt. C’est magnifique.

Un exemple : Le chardon

Entre un sol caillouteux et un sol forestier, il y a une multitude de changements. Chaque plante qui pousse à chaque stade apporte quelque chose d’important au sol. Nous n’aimons pas voir les chardons s’installer dans notre jardin. C’est normal, car ils sont envahissants et piquants. Mais la question que nous devrions nous poser est : pourquoi ces chardons sont-ils apparus ?

Si nous regardons le chardon comme une plante indicatrice de la santé (ou du stade) du sol, nous pouvons observer que le chardon est une plante avec une grande racine pivotante, ce qui signifie que le sol est compacté en profondeur. Nous savons, grâce à la littérature botanique, que le chardon pousse sur un sol saturé en matière organique, comme dans une prairie surpâturée. Avec ces deux éléments, nous comprenons que si le chardon s’installe, c’est pour digérer cette matière organique en surplus et pour décompacter les sols.

Un petit panel de plantes bio-indicatrices

Voici une liste de plantes communes et leurs fonctions bio-indicatrices, couvrant une variété de problèmes de sol :

• Chardon (Cirsium arvense) : Indique un sol compacté et riche en matière organique.
• Ortie (Urtica dioica) : Indique un sol riche en azote et en matière organique.
• Pissenlit (Taraxacum officinale) : Indique un sol compacté et pauvre en calcium.
• Plantain (Plantago major) : Indique un sol compacté et piétiné.
• Rumex (Rumex obtusifolius) : Indique un sol riche en matière organique et en azote.
• Chiendent (Elymus repens) : Indique un sol compacté et pauvre en matière organique.
• Mouron des oiseaux (Stellaria media) : Indique un sol riche en azote et en matière organique.
• Séneçon (Senecio vulgaris) : Indique un sol compacté et pauvre en matière organique.
• Laiteron (Sonchus oleraceus) : Indique un sol riche en matière organique et en azote.
• Renouée des oiseaux (Polygonum aviculare) : Indique un sol compacté et piétiné.
• Bourse-à-pasteur (Capsella bursa-pastoris) : Indique un sol riche en matière organique et en azote.
• Coquelicot (Papaver rhoeas) : Indique un sol pauvre en matière organique et en azote.
• Mauve (Malva sylvestris) : Indique un sol riche en matière organique et en azote.
• Trèfle (Trifolium repens) : Indique un sol riche en azote.
• Pâquerette (Bellis perennis) : Indique un sol compacté et pauvre en matière organique.
• Linaire commune (Linaria vulgaris) : Indique un sol pauvre en calcium.
• Liseron des champs (Convolvulus arvensis) : Indique un sol compacté et pauvre en matière organique.
• Renouée du Japon (Fallopia japonica) : Indique un sol gorgé d’eau et perturbé.
• Sauge des prés (Salvia pratensis) : Indique un sol bien drainé et riche en matière organique.
• Menthe aquatique (Mentha aquatica) : Indique un sol gorgé d’eau.
• Potentille ansérine (Potentilla anserina) : Indique un sol pauvre en matière organique et en azote.
• Pulicaire dysentérique (Pulicaria dysenterica) : Indique un sol gorgé d’eau et perturbé.
• Pariétaire officinale (Parietaria officinalis) : Indique un sol riche en azote et en matière organique.
• Vergerette du Canada (Conyza canadensis) : Indique un sol perturbé et pauvre en matière organique.
• Renouée liseron (Fallopia convolvulus) : Indique un sol compacté et pauvre en matière organique.

L’importance de la connaissance des plantes bio-indicatrices

À travers cette histoire et cet exemple, nous comprenons mieux que le sol est un système merveilleux qui tend à créer des forêts avec l’aide de tout ce qui vit et meurt. En observant les plantes qui poussent naturellement, nous pouvons obtenir des informations précieuses sur l’état de nos sols et agir en conséquence pour les améliorer. C’est une leçon précieuse pour tous ceux qui souhaitent cultiver des sols sains et équilibrés.

Pour aller plus loin, il est important de trouver de bons ouvrages. Nous vous recommandons l’excellent livre de Gérard Ducerf, "L’Encyclopédie des plantes bio-indicatrices", un guide de diagnostic des sols. Vous pouvez le trouver aux éditions Promonature sous l’ISBN 978-2-911248-10-5.

En comprenant et en utilisant les plantes bio-indicatrices, nous pouvons non seulement améliorer la santé de nos sols, mais aussi créer des écosystèmes plus harmonieux et plus durables !